MÉSOGÉE

MÉSOGÉE
MÉSOGÉE

Le nom de Mésogée (au milieu des terres) a été donné en 1900 par Henri Douvillé à une mer chaude, caractérisée par des organismes particuliers et ayant occupé, durant le Mésozoïque et jusqu’à l’Éocène, une position moyenne, intertropicale, entre la Laurasie et la Gondwanie (ou Gondwana; cf. GONDWANA), du Pacifique aux Antilles.

La Mésogée est une entité géographique, stratigraphique et biologique. Elle est la descendante directe de la Téthys, entité structurale qui date des temps précambriens, et elle a pour successeurs des bassins individualisés tels que le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes, la Méditerranée, qui n’est plus intertropicale, la mer Rouge, enfin la zone intertropicale de l’océan Indien, bassins qui résultent de démantèlements dus aux dérives continentales et aux plissements alpins.

La Téthys

La Téthys (terme créé par E. Suess en 1893 pour désigner la «mer centrale» reconnue en 1885 par M. Neumayr; cf. TÉTHYS), bien que définie d’abord comme terme de la paléogéographie jurassique, remonte vraisemblablement à la chélogenèse (genèse de boucliers) hudsonienne qui, il y a environ 1 750 millions d’années, a divisé le vieux bouclier d’un seul tenant, issu de la chélogenèse kénoranienne [cf. ANTÉCAMBRIEN], en deux vastes supercontinents de superficies équivalentes, la Laurasie (Amérique du Nord, Groenland, Europe, Asie) et le Gondwana (Amérique du Sud, Afrique, Arabie, Madagascar, Inde péninsulaire, Australie, Antarctide).

La Téthys, peut-être alors très large, occupait une position presque entièrement entourée de terres et aurait formé un golfe du Pacifique, en l’absence totale d’océan Indien et d’Atlantique. Mais elle ne possédait aucune caractéristique climatique spéciale.

En revanche, il semble que, avant son ouverture en tant qu’aire océanique, elle ait été prévisible tectoniquement en raison du mouvement tourbillonnaire imprimé aux directions des chaînes kénorianennes, dont les origines correspondent à peu près aux aires polaires actuelles. L’inflexion de ces chaînes au niveau de la future Téthys ressemble en effet à la disposition actuelle, nommée par D. Van Hilten en 1964 «torsion téthysienne» (Tethys twist ), laquelle décale dans le même sens les axes des deux Amériques l’un par rapport à l’autre, et les côtes du Sud-Est asiatique et de l’Océanie par rapport à celles de l’Extrême-Orient situé plus au nord. Cette torsion, qui ne semble avoir existé que pour une certaine position de l’axe des pôles, serait une conséquence inverse de la force de Coriolis.

Dès le début de la chélogenèse grenvillienne (il y a 1 milliard d’années environ), les bords de la Téthys ont subi des évolutions orogéniques, lesquelles ont pu donner lieu, dans les zones en voie de resserrement, à la formation d’orogènes biliminaires, du type de l’orogène alpin.

Au caractère structural de la Téthys s’adjoignent, dès le début des temps fossilifères, des caractères biologiques. En effet, son existence implique normalement une continuité pour les faunes benthiques littorales. Au Cambrien inférieur, sa première manifestation biologique est d’être, sur sa plus grande longueur, la «mer à Redlichia » (genre primitif de Trilobites qui la jalonne depuis la côte atlantique du Sud marocain jusqu’en Chine).

Au cours du Paléozoïque inférieur, la Téthys n’avait pas de caractère équatorial: si l’on considère l’emplacement des pôles au Cambrien et à l’Ordovicien, elle aurait été plutôt en position subméridienne. Son homogénéité biologique n’a alors aucune implication climatique, mais signifie ou bien que les moments où elle est manifeste ont correspondu à une homogénéisation des températures à la surface du globe, ou bien qu’elle peut être comparée à l’aire de distribution longitudinale, observée aujourd’hui pour le genre de Crabe Cancer , qui suit le littoral depuis les Aléoutiennes jusqu’au cap Horn, c’est-à-dire d’une zone polaire à l’autre.

La Mésogée proprement dite

Au début du Mésozoïque, la position de la Téthys par rapport à l’emplacement des pôles a été progressivement modifée par les dérives continentales et par les mouvements calédoniens et varisques du Paléozoïque supérieur. La Téthys est devenue une mer chaude subéquatoriale, dans les bordures de laquelle les chaînes alpines sont en gestation.

Les dépôts calcaires la caractérisent dès la base du Trias XXIX, après la phase d’émersion maximale du Permo-Trias XXVIII. C’est alors le Trias alpin avec ses vastes biohermes algaires et les énormes masses de dolomie qui se sont déposées sur l’emplacement des futures Dolomites. Ce faciès se prolonge en Afrique du Nord jusqu’au Lias moyen. Au Dogger, les récifs coralliens se développent sur la bordure et autour des îles de cette zone mésogéenne. Puis, les climats s’altérant, ils se restreignent de plus en plus à ses parties centrales les plus chaudes.

Depuis le Permo-Trias, la dislocation du Gondwana a débuté par une fissuration à l’est de l’Afrique, et ce sont les eaux de la Mésogée avec leur peuplement, récifal ou non, qui se sont engouffrées dans les golfes et les détroits ainsi formés: canal de Mozambique et golfe de Tuwayk devenant chenal transérythréen à partir du Dogger. Au Jurassique supérieur, le Tithonique coralligène est proprement mésogéen.

Au Crétacé, la Mésogée devient telle que H. Douvillé l’a initialement conçue: mer chaude, jalonnée par des Rudistes, des Coraux, des Foraminifères (Orbitolines, puis Orbitolites); certains genres d’Ammonites et d’Échinodermes lui sont également particuliers, car l’ouverture de l’océan Atlantique au Cénomanien n’a pas encore altéré les communications avec l’Amérique centrale.

La Mésogée a persisté dans son intégralité pendant l’Éocène et l’Oligocène, où elle est la mer à Nummulites, à Orbitolites et à Orbitoïdidés, qui fit de notables incursions vers le nord (bassin de Paris). Puis, dès la fin du Miocène, elle s’est trouvée restreinte par le refroidissement général de la planète à la zone intertropicale actuelle, et tronçonnée par le jeu de plusieurs facteurs: l’accentuation de la dérive continentale, amenant, depuis la fin du Paléozoïque, à des collisions de «plaques» entre le Gondwana poussé vers le Nord et la Laurasie, élargissant l’Atlantique et privant ainsi les faunes littorales de la plupart des connexions entre l’Amérique centrale et l’Eurafrique; la formation progressive de l’océan Indien et la suppression consécutive des liaisons marines du Moyen-Orient; l’affrontement d’éléments gondwaniens (Inde péninsulaire, zone orogénique des Dinarides provenant du nord de l’Afrique) avec le sud de la Laurasie; la surrection de la chaîne alpine, isolant, au Mio-Pliocène, une «Paratéthys» de bassins distincts qui ont tendu à perdre leur caractère marin, puis à disparaître, principalement le bassin Pannonique (Hongrie), le bassin Pontique (mer Noire), le bassin Aralocaspien; enfin l’ouverture, au cours des onze derniers millions d’années, de la mer Rouge et de la Méditerranée.

Les orogènes téthysiens et les mouvements alpins

La Téthys, séparant la Laurasie et le Gondwana, s’est trouvée, dès le début des temps géologiques, bordée par les sillons attachés respectivement à ces deux arrière-pays. Entre ces sillons, il est probable que des noyaux provenant de terres précambriennes ont continué d’exister, généralement sous la forme d’îles, pendant la majeure partie du Paléozoïque: massif hespérique, massif baléaro-corso-sarde, massif du Rhodope, etc. Ce sont des massifs «intermédiaires» ayant souvent pris, en se soulevant lors des grandes phases orogéniques, la forme de vastes bombements allongés. Pendant le Paléozoïque, le sillon varisque et son prolongement vers le sud de l’Asie jusqu’en Chine, a occupé le nord de la Téthys, tandis que le sud de cette dernière l’était par l’orogène moghrabin du Maroc et par la mer baignant les Balkans et une partie de la Turquie (Taurides), de l’Iran (Zagros) et de l’Him laya (Hindou Kouch).

Pendant le Mésozoïque, une partie des régions plissées par l’orogenèse varisque ainsi que les massifs anciens naguère associés au nord du Gondwana (massifs qui seront appelés Tyrrhénien, Dinarique, Adriatique) seront progressivement accolés aux boucliers qu’ils frangeaient initialement, tels le sud de la Laurasie (le sillon alpin en ce qui concerne l’Europe) et aux dépens du nord du Gondwana (le sillon rifo-kabyle en ce qui concerne l’Afrique du Nord). Ces sillons, prolongés encore jusque dans le Sud-Est asiatique, furent le creuset des chaînes alpines.

Des phénomènes volcaniques souvent de type océanique (le grand développement des ophiolites qui forment aujourd’hui une longue zone depuis le territoire de l’ancienne Yougoslavie et l’Albanie, jusqu’en Turquie, au Proche-Orient et au-delà) accompagnaient leur évolution. Des systèmes de courants se sont superposés, pendant le Jurassique et le début du Crétacé, au climat intertropical qui était alors celui de la Mésogée. Si bien que, mis à part les organismes récifaux de mer chaude cités comme caractéristiques de cette unité paléogéographique, les zones profondes («alpines» au sens large) présentent une faune particulière mais sans caractères de faune chaude. De cette faune, citons des Spongiaires bathyaux, des Brachiopodes spéciaux, les Pygopes, que l’on désigne comme «térébratules trouées»; les Oursins Collyritidés, les Ammonites Phyllocératidés et Lytocératidés. On y connaît aussi au Trias supérieur (Norien) et au Crétacé moyen (limite Vraconnien-Cénomanien) des organismes de haute mer, flottant en roulant, les hydroïdes sphériques (Heterastridium , Parkeria ).

Les sédiments sont également singuliers: ce sont des calcaires à grain fin, de type pélagique, souvent rougis par les apports de fer venant des continents, et riches en accidents silicieux contenant fréquemment des radiolaires.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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